Εγκυκλοπαίδεια Μείζονος Ελληνισμού, Εύξεινος Πόντος ΙΔΡΥΜΑ ΜΕΙΖΟΝΟΣ ΕΛΛΗΝΙΣΜΟΥ
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La cote orientale de la mer Noire (Moyen Âge). Les Monuments

Συγγραφή : Khrushkova Liudmila (8/9/2008)

Για παραπομπή: Khrushkova Liudmila, "La cote orientale de la mer Noire (Moyen Âge). Les Monuments", 2008,
Εγκυκλοπαίδεια Μείζονος Ελληνισμού, Εύξεινος Πόντος
URL: <http://www.ehw.gr/l.aspx?id=10685>

La cote orientale de la mer Noire (Moyen Âge). Les Monuments (3/7/2007 v.1) East coast of Black Sea (Middle Ages). Monuments - δεν έχει ακόμη εκδοθεί Ανατολικά παράλια του Εύξεινου Πόντου (Μέσοι Χρόνοι). Μνημεία (2/7/2008 v.1) 
 

1. Introduction

Le littoral oriental du Pont-Euxin, la Colchide antique, depuis l’époque d’Homère, était connu comme situé aux confins du monde gréco-romain. Les sources romaines et byzantines y distinguent la Lazique, l’Abasgie et l’Apsilie. La culture paléochrétienne et médiévale de cette région s’est constituée grâce à un métissage d’influences venues d’horizons divers, du monde romano-byzantin au monde iranien sassanide.

Du VIe au XIIIe s., la monnaie Byzantine fut la base de la circulation monétaire et dans toute la Géorgie occidentale.1 Presque tous les documents épigraphiques des époques romaine, protobyzantine et du Haut Moyen Age sont en grec,2 les inscriptions latine sont très rares.

Après le Xe s., on y trouve en Abkhazie (l’Aphkazetie des documents historiques géorgiens, l’Abasgia des sources byzantines) des monuments d’architecture et d’art de style géorgien. Les documents épigraphiques géorgiens sont apparus vers le XIe. En Abkhazie ont été retrouvées 22 inscriptions géorgiennes datant d’une époque entre le XIe et le XIVe s.3

2. Les villes fortifiées de la région

Les sources écrites et les données archéologiques offrent plusieurs témoignages concernant les villes fortifiées de l’Antiquité tardive et du Haut Moyen Ages dans cette région.4Les villes les plus importantes se trouvaient dans la zone littorale (Apasaros /l’actuel Gonio,5 Petra/Tsikhisdziri ou Cikhisdziri, Sébastopolis/Sukhum,6 Anacopia/Novyi Afon,7Pityous/Pitsunda).8 Il y avait aussi des villes d;importance à l’intérieur du pays (Archéopolis /Tsikhe-Godzhi, Nokalakevi,9 Kotais, Kotiaion/Kutaisi, Rodopolis/Vardtsikhe, Sarapanis /Shorapani, Skandis/Skanda). Dans les contreforts du Caucase la forteresse de Tsibila/Tsebelda joua un rôle important pendant les guerres perso-byzantines.10 Une «grande muraille abkhaze» représente la fortification la plus grandiose de l’époque médiévale dans cette région. Cependant, en absence des recherches archéologiques systématiques, sa datation oscille entre le VIe et le XVIIe s.11

3. Le palais de Lykhny

Un monument important de l’architecture profane de l’époque médiévale est le complexe architectural dans le village de Lykhny, centre administratif et culturelle de l’Abasgie, résidence des souverains de l’Abkhazie, de la maison dynastique des princes Chachba- Šervašidze. Le complexe est composé d’une église à coupole et d’un palais. L’église appartient au type byzantin en «croix inscrite». Les fresques de l’église de Lykhny du XIVe s. et les miniatures de l’Évangéliaire de Mokva, peint en 1300, présentent des exemples typiques du style constantinopolitain de l’époque des Paléologue.12

En revanche, le palais offre plusieurs traits de l’art islamique, parmi lesquels les arcs brisés et polylobés, et les pendentifs en stalactites dans le vestibule. Ces éléments sont construits en briques ; c’est un cas unique pour la région caucasienne. La vie historique du palais a perduré (avec plusieurs reconstructions) presque un millénaire, depuis la fin du IXe - début du Xe s. jusqu’au début du XIXe s. Un trésor a été mis au jour, comportant 27 pièces d’or byzantines dite scyphates, frappées à l’effigie des empereurs de la dynastie des Ducas (1059-1071), un pièce d’argent de Constantin Monomaque (1042-1055) et 43 pièces géorgiennes en argent qui constituent une rareté numismatique. Ces monnaies sont des imitations des miliaresia de Constantin Monomaque. Il s’agit de pièces de Bagrat IV (1027-1089) et de Giorgi II (1072-1079). Ce trésor qui fournit la date précise du premier incendie du palais, est important pour établir la chronologie certaine du complexe.13

4. L’architecture religieuse de l’Antiquité tardive

4.1. Pityous

Les monuments les plus caractéristiques sur le plan culturel et artistique sont les églises avec leur décor peint et sculpté.14 La tradition légendaire y fait remonter la christianisation de la région à l’époque des Apôtres. Les églises les plus anciens ont été construits dans les forteresses romaines. Pityous a été un centre important de la propagation du christianisme dans le Caucase.15 L’église de Pityous, identifiée par les archéologues comme la cathédrale de l’évêque Stratophilos, présente au Concile de Nicée en 325, se trouvait hors des murs du castellum. Cette situation fait supposer que l’église soit peut-être liée au culte d’un martyr. La cathédrale de Stratophilos était une assez vaste église avec une seule nef. La forme de son abside prolongeant en U les murs latéraux, est bien connue dans l’architecture romaine civile. Toute la forteresse de Pityous et ses bâtiments (murs, tours, thermes, casernes, etc.) ont été construits par des ingénieurs romains. Nous en avons de témoignages archéologiques directs, par exemple de briques à estampilles de la XV Légion d’Appolinaris. On distingue aussi certaines particularités liées à la tradition de l’architecture romaine.16

Les sources écrites ne nous donnent aucune indication sur cette communauté chrétienne de Pityous, mais l’archéologie en révèle la vie florissante. Au Ve s., sur les ruines de l’église de Stratophilos, une basilique à trois nefs fut érigée, de plan irrégulier. Elle avait un pavement en mosaïque avec des images d’oiseaux et d’animaux; dans le bêma se trouvait une scène représentant deux biches entourant symétriquement un canthare. Il s’agit d’illustration d’un psaume (41.2), qui réunit les symbolismes eucharistique, commémoratif et baptismal. Des images symboliques similaires sont nombreuses partout dans le monde méditerranéen, en Asie Mineure et en Syrie. Sous cette scène se trouve une image de chrismon inscrit dans un cercle, avec les deux lettres apocalyptiques, A et Ω; une image exprimant l’idée de l’apothéose et de la victoire. Le style des mosaïques de Pityous est un peu grossier, mais les mosaïstes ont essayé de représenter par endroits la profondeur de l’éspace, élément stylistique hellenistique. Une inscription grecque se trouve dans l’abside, sous le chrismon et dans un cadre circulaire aux feuilles d’accanthe: «ὑπὲρ εὐχῆς Ωρελίου καὶ παντόν τοῦ οἴκου αὐτοῦ» («pour le vœu d’Orel et de toute sa maison»).

Dans l’angle sud-ouest du narthex, le baptistère de l’église était placé, compartimenté par des murs en deux petites pièces. L’une comportait une cuve baptismale au centre. Cette manière de disposer le baptistère dans le narthex n’est pas inconnue dans le monde paléochrétien, en Orient comme en Occident. Dans le baptistère, des mosaïques de la «fontaine de vie» se sont conservées. Les images, inspirées de modèles antiques, représentent la fontaine de la vie sous la forme d’un vase à pied avec deux couples d’oiseaux et trois jeunes hommes sur le vase, un trait iconographique insolite.17 Mais de toute façon, l’idée de cette composition est très proche des images dans l’abside.

La deuxième église de Pityous fut détruite et remplacée par une basilique nouvelle, cette fois-ci d’un plan régulier; elle appartenait au type “hellénistique”, très rare dans le Caucase. On en trouve un exemple assez proche à Constantinople, la basilique de Saint-Jean Studios (453).

4.2. Archéopolis

La cathédrale de Stratophilos a servi de modèle aux premiers édifices chrétiens d’Archéopolis (Nokalakevi), ville la plus importante à l’intérieur de la Lazique. La plus ancienne église d’Archéopolis ressemblait beaucoup à celle de Pityous : elle avait le même plan à nef unique et la même forme de l’abside. Non loin de cette église, les archéologues ont découvert un petit édifice rectangulaire avec une abside de même type, qui devait servir de baptistère. On peut mentionner encore un petit baptistère à Ziganis, forteresse romaine sur le littoral (Gudava/Gudakva des sources géorgiennes médiévales).

4.3. Sebastopolis

La ville de Sébastopolis sur ce littoral est mentionnée plusieurs fois par les auteurs antiques depuis Strabon. Tout près de la mer, les archéologues ont exploré une partie de la ville romaine. Nos recherches plus récentes ont mis au jour une église octogonale. Elle faisait partie d’un quartier où les restes mal conservés de deux bâtiments et une canalisation d’eau ont été découverts. Les soldats de la XV légion d’Appolinaris y stationnèrent, comme à Pityous. On peut dater cette église du début ou de la première moitié du Ve s. Selon Procope de Césarée, la ville de Sébastopolis fut détruite en 542. Les sources écrites et les données archéologiques s’accordent sur ce point. De témoignages de la destruction et du grand incendie étaient bien visibles lors des fouilles.

En 1999 et en 2001-2003, les recherches archéologiques sur ce site ont été reprises après une pause de quelques années. On put alors conclure que l’église octogonale avait des annexes du côté nord, comme du côté sud; une pièce indépendante servait de martyrium. Du côté est, une basilique adjacente faisait partie du complexe; ses murs longitudinaux comportaient des arcosolia. Cette basilique a été pavée en opus sectile, cas unique en Abkhazie. Une pierre tombale porte une inscription grecque: «ὁ πολλὰ τλήμων ἐνθάδε κατακεῖται Ὀρέστης στρατιώτης λεγεωνάριος χάριν μνήμης ἀνεγείραμεν οἴκον» («Ci-gît Oreste, soldat légionnaire, en son souvenir nous avons érigé l’édifice»).

Le type de l’octogone de Sébastopolis appartient sans doute à la tradition architecturale du Bas-Empire, en Occident comme en Orient. Ce type est proche des martyria les plus anciens de la Terre Sainte. Les édifices de plan octogonal plus tardifs, comme l’église sur le Mont Garizim (484), ou le martyrion Saint-Georges à Ezra (515), sont munis d’absides et de pastophoria; leurs plans correspondent à des programmes liturgiques plus élaborés. En revanche, le plan de l’église de Sébastopolis semble assez archaïque.

4.4. La tradition architecturale romaine

On peut noter plusieurs autres caractéristiques romaines relatives au mode de construction dans les édifices protobyzantins de l’Abkhazie. Parmi eux, l’opus mixtum dans la maçonnerie des murs des forteresses et des églises à Pityous et à Alakhadzy, la construction des sols bétonnés avec un mélange incluant de la céramique concassée (le «sol grec» de Vitruve), ainsi que les différents types de briques, de tuiles, de tuyaux, etc.

De même ascendance romaine sont les tombeaux que l’on a découverts à plusieurs reprises dans les églises à Tsandripš (Çandripš), à Gyenos, à Pityous, à Sébastopolis. Ces tombeaux sont construits en pierres et en briques, et sont parfois recouverts d’un enduit interne hydrophobe. Le mobilier y est rare. On en trouve cependant un exemple isolé dans l’église à nef unique de Gyenos, où le tombeau d’une femme comportait plusieurs objets en or qui sont des productions de l’orfèvrerie romaine.

5. Les églises du VIe siècle

Au VIe s., le christianisme dans cette région nous apparaît à un autre niveau de développement. Cette «deuxième vague» est liée à la politique de Byzance pendant les guerres persano-byzantines. À l’époque justinienne, la christianisation partit des forteresses romaines et commença à se propager parmi les peuples indigènes. Sans posséder ce territoire, les Byzantins tentèrent de créer une organisation ecclésiastique chez les Abasges, les Apsiles et les Lazes. C’est grâce aux fouilles que nous connaissons ces centres religieux : la basilique de Candripš en Abasgie et le complexe de Tsibila en Apsilie, avec leurs baptistères et leurs lieux de vénération de saints dont l’identité nous reste inconnue.

5.1. La basilique de Tsandripš

La basilique de Tsandripš a été identifiée à l’église qui avait été bâtie par Justinien pour les Abasges, selon un témoignage de Procope de Césarée. Cette identification, fondée sur les sources écrites, est corroborée par le matériel mis au jour par nos fouilles. En particulier, un fragment de marbre de Proconnèse porte une inscription grecque dont subsiste la fin du mot [ABA]CΓIAC. Il s’agit probablement de l’épitaphe du premier évêque des Abasges.

La basilique de Tsandripš a trois nefs, trois absides saillantes, un narthex et un petit porche en avant de celui-ci. Dans son état initial, l’église était charpentée et possédait des tribunes au-dessus des nefs latérales. Reconstruite vers le VIIIe s. elle fut voûtée et son narthex disparut. Ce qui est ici le plus intéressant, c’est la structure du chevet : dans l’abside septentrionale se trouve une cuve baptismale et, dans la partie orientale d’une autre nef latérale, se situe une chapelle martyriale ; elle abrite deux tombes monumentales qui possèdent toutes les caractéristiques des « sépultures privilégiées ». Ces aménagements liturgiques remontent à la même époque que la basilique. Ici, on peut voir des traits propres aux basiliques de la Syrie et de la Palestine : un pastophorion y est en effet parfois occupé par une chapelle commémorative et, dans certains cas, par la cuve.

La basilique de Tsandripš avait également une vocation funéraire. Dans ses différentes parties, on a mis au jour treize tombeaux en pierres et en briques qui se trouvaient au-dessous du niveau du sol de l’église. Dans quelques unes de ces tombes, nous avons recueilli des vases en verre. Ces vases funéraires n’auraient-ils pas été importés de Palestine pour être placés dans les tombes de cette basilique, première cathédrale des Abasges?18

5.2. Les églises d’Alakhadzy et de Pityous

Dans le village d’Alakhadzy, situé non loin de Tsandripš, se trouvent les ruines d’une autre vaste basilique du même type et de la même époque. Elle a trois nefs, trois absides et un narthex. On peut très probablement dater cet important monument des premières décennies du VIe s.

La troisième église à trois absides saillantes se trouve hors des murs de Pityous. C’est une église du type en « croix libre ». Ses compartiments méridionaux avaient une destination funéraire : ils contenaient des tombeaux et un sarcophage anthropomorphe. On peut attribuer la construction de cette église à la seconde moitié du VIe s. La disposition de la chapelle dans son compartiment sud-est de cette église de Pityous était probablement inspirée par la basilique de Tsandripš.

5.3. Diffusion et influences

Ces trois églises situées sur le territoire de l’Abasgie forment un groupe homogène d’édifices du VIe s. Durant cette période, on n’a pas bâti d’autres églises à trois absides dans la région caucasienne. Ce sanctuaire tripartite n’avait ni prothèse, ni diaconicon ; il n’était pas destiné à la célébration de la liturgie constantinopolitaine des deux Entrées. Ce plan remonte plutôt aux modèles syriens, dont l’exemple le plus ancien à trois absides saillantes est l’église cruciforme de Saint-Siméon (Qalat-Seman). Mentionnons aussi un groupe de basiliques à trois absides datant des Ve-VIe s. à Chypre, dont la vie ecclésiastique était liée à la chaire antiochienne.

La basilique cathédrale de Tsandripš rayonnait son influence sur la région, adjacente du Nord-Ouest. Deux basiliques à trois absides saillantes, furent découvertes en 2004-2007 non loin d’Adler-Sochi, région de Krasnodar de la Russie, qu’à l’époque faisait partie du territoire ecclésiastique de l’éparchie constantinopolitaine d’Abasgia. Il est remarquable, que ces basiliques à trois nefs, toutes les deux, étaient dotées de piscines baptismales, disposées dans une abside latérale. Ces églises semblent plus tardives (VIIe-VIIIe s. ?), que la basilique de Tsandripš.19

Notons encore une église d’Apsilie, de type purement oriental. C’est une petite église à nef unique de l’époque justinienne qui se trouve dans la forteresse de Šapky, située dans la zone montagneuse. Elle avait un chevet rectangulaire, à l’extérieur, comme à l’intérieur. Une tombe était accolée au bêma du côté nord. On peut rentrouver ce plan dans les régions rurales de la Syrie et de la Mésopotamie, ainsi qu’en Arménie.

Tous ces exemples montrent que l’Abkhazie medievale appartenait au monde de l’Orient chrétien. D’autre part, on y trouve des témoignages des contacts directs avec la capitale byzantine. Il s’agit d’abord des marbres des Ve-VIe s., importés des ateliers de Proconnèse. La grande majorité de ces éléments de la décoration interne des églises provient du territoire de l’Abasgie et de la Ziquie (Džiguéti des sources géorgiennes). Une collection de marbres protobyzantins se trouve actuellement dans l’église médiévale de Khobi en Mingrélie.20 La basilique de Tsandripš avait le décor en marbre le plus riche de toutes les églises de cette époque en Transcaucasie.

Des sarcophages anthropomorphes constituent un autre témoignage des contacts avec Constantinople. L’un provient de Pityous et l’autre de Sébastopolis, tous deux étant faits en pierre locale.

5.4. Remarques générales

Grâce aux recherches effectuées pendant cette dernière période, nous pouvons nous faire une idée de la place des monuments chrétiens du littoral oriental de la mer Noire dans le contexte des régions voisines et plus lointaines. Des éléments témoignant de l’influence de Rome, de l’Asie Mineure et de Constantinople, y cohabitaient avec des traits empruntés à la Syrie et à la Palestine. Certains monuments de notre région datant des IVe-Ve s. ont plus de traits romains, tandis que certaines églises et leur décor du VIe s. trahissent les liens avec des pays de l’Orient chrétien et avec la capitale de l’Empire.21

On distingue des traits particuliers des monuments de la Lazique. Le complexe épiscopal de Pétra (Tsikhisdziri) est composée d’une basilique et des petits bains. Le complexe de Vashnari comporte un martyrium autonome, muni d’une colonnade sur la façade principale, - cet élément remonte à l’architecture des mausolées payens. Quelques basiliques d’Archéopolis/Nokalakevi montre des traits d’originalité, comme, p. ex., les pastophoria asymétriques dans l’église des Quarante Martyrs.22 Quoiqu’il en soit, tous ces édifices étaient adaptés aux besoins et aux possibilités des populations de ce territoire.

6. L’architecture religieuse de l’époque medievale

6.1. Continuité des traditions tardoantiques

Les traditions de la Basse Antiquité se sont conservées dans l’architecture de l’Abkhazie pendant le Haut Moyen Âge, par exemple dans la grande église à coupole bâtie sur le territoire des Apsiles, à Dranda. Son plan associe une rotonde et une croix ; la coupole s’appuie sur les murs de la rotonde. Le thème de la rotonde remonte, rappelons-le, à l’architecture des mausolées antiques. Dans les voûtes du narthex de l’église de Dranda, les sondages ont révélé l’existence d’amphores. C’est un procédé romain et byzantin que l’on utilisait pour alléger la construction. La date la plus probable de ce monument important sont les premières décennies du VIe s. Cette église de Dranda était très probablement la cathédrale de l’archevêché de l’Abasgie. Celui-ci, comme la métropole de la Lazique, a été fondé après les guerres avec les Perses (selon la 1èrenotitia episcopatuum). Ces diocèses, qui dépendaient du patriarcat constantinopolitain, embrassaient le territoire de la Lazique et de l’Abasgie.

6.2. Les influences non chrétiennes

Aux époques postérieures, les caractéristiques de l’art oriental ont tendance à s’accroître. On observe alors des influences de l’art non chrétien, post-sassanide, arabe et persan. Les dalles du chancel de Tsebel’da, trouvées dans la région des contreforts apsiliens, présentent un exemple curieux de combinaisons d’origines diverses. L’organisation de la surface de ces dalles ressemble aux diptyques protobyzantins. En même temps, quelques scènes y trahissent des influences marquées de l’art iranien. Cela concerne surtout la scène de la Vision de saint Eustathe, où l’on voit un chevalier dont le costume et l’équipement sont d’inspiration arabe. Ce cavalier évoque le saint Eustathe, d’origine indigène, fils du chef des Apsiles, qui a été martyrisé par les Arabes dans les années 30 du VIIIe s. Ces dalles datent de la fin du IXe s. ; elles caractérisent bien la culture des régions montagneuses de l’époque du Royaume Abkhaze (fin du VIIIe - fin du Xe s.)23

6.3. L’influence byzantine

Les rois abkhazes cherchent alors à être indépendants de Constantinople, mais les Byzantins ne quittent pas cette région. Très probablement, que l’immense église de Pitsunda a été érigée au début du Xe s. comme cathédrale de l’archevêché de Sotèrioupolis ; Sébastopolis, quant à elle, est présente dans les Notices patriarcales constantinopolitaines jusqu’au XIIe s. Au XIe s., la forteresse d’Anacopia se trouve entre les mains des Byzantins, et à cette même époque le protospathaire Nicolas occupe son poste de stratège de Sotèrioupolis et d’Anacopia.

Une série homogène d’églises à coupole du type en « croix inscrite » trahit sans doute l’influence byzantine. Cela concerne tout d’abord le plan, ainsi que quelques éléments de décor comme les corniches en «dents de scie», ou les éléments dits «céramoplastiques» de l’abside de l’église de Picunda. Presque toutes ces églises (Pitsunda, Alakhadzy, Bzyb’, Lykhny, Anacopia, Msygkhua) se situent exactement sur le territoire entre Pitsunda/Sotèrioupolis et Sébastopolis, deux sièges byzantins. Ce groupe important d’églises s’inscrit bien dans le contexte des relations politiques et idéologiques entre les rois abkhazes et Byzance.

6.4. Le style géorgien

Au XIe s., à l’époque du Royaume des Abkhazes et des Kartliens (royaume géorgien uni), on observe précisément en Abkhazie des formes architecturales et décoratives géorgiennes : églises d’Ambara et de Kiač, églises a nef unique avec des annexes (dites « basiliques à trois églises »), quelques dalles sculptées d’Ankhua, de Tsebel’da et autres. Les traits de l’architecture géorgienne sont bien visibles aussi dans l’église de Bédia, reconstruite au XIVe s., et dans son décor sculpté. À partir de cette époque, on retrouve en Abkhazie des inscriptions géorgiennes.

La phase comprise entre le XIe et le XIVe s. ne fut pas un temps de grandes constructions. On bâtit surtout des églises nombreuses à nef unique, souvent avec des annexes, décorées de fresques et de plaques sculptées.24

7. L’époque post-byzantine

À l’époque post-byzantine, sous la domination turque, on trouve encore des sièges épiscopaux à Bédia, Mokva, Dranda, Pitsunda/Bičvinta. À la fin du XIVe s., Pitsunda, l’ancien Pityous, siège épiscopal de l’époque constantinienne, devient siège du catholicos (patriarche) de l’Abkhazie (et de la Géorgie occidentale). Même au XIXe s., pendant le rétablissement du christianisme en Abkhazie, ce sont toujours des églises de style byzantin que l’on trouve dans les centres du christianisme rénové : Pitsunda, Anacopia (Novyi Afon/Nouvel Athos), Dranda, Mokva.

8. Conclusion

Pendant des siècles, l’Abkhazie fut une zone de contacts féconds entre les traditions culturelles de ses pays voisins de l’Est et de l’Ouest. Ses monuments des époques paléochrétienne et byzantine témoignent d’un fonds caucasien particulier, en correspondance avec une situation sur la rive orientale de la mer Noire, aux confins du monde méditerranéen.

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3. Гамахария, Д., Гогия, Б., Абхазия – историческая область Грузии (Тбилиси 1997), pp. 807-815.

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10. Воронов, Ю. Н., Древняя Апсилия (Сухум 1988), pp. 287-293.

11. En dernier lieu, sur les nouvelles données en faveur de la haute date (la seconde moitié du VIe s.) : Alexidze, Z., « La construction de la ΚΛΕΙΣΟΥΡΑ d’après le nouveau manuscrit sinaïtique no 50 » (trad. J.-P. Mahé), Travaux et Mémoire 13 (2000), pp. 673-681.

12. Khrouchkova, L., “Quelques notes sur l’organisation ecclésiastique de l’Abkhazie et ses relations artistiques avec Constantinople à l’époque Paléologue“, Byzantinische Forschungen 29 (2007), pp. 271-292 ; Хрушкова, Л. Г., «Питиус (Пицунда, Бичвинта) – древнейший христианский центр Кавказа», Византийский Временник (2008 – sous press).

13. Хрушкова, Л. Г., Лыхны, средневековый дворцовый комплекс в Абхазии (Москва 1998); Khroushkova, L., Les monuments chrétiens de la côte orientale de la mer Noire, Abkhazie IVe-XIVe siècles (Bibliothèque de l’Antiquité Tardive 9, Turnhout 2006), pp. 115-133.

14. Хрушкова, Л. Г., Раннехристианские памятники Восточного Причерноморья, IV-VII века (Москва 2002) ; Khroushkova, L., Les monuments chrétiens de la côte orientale de la mer Noire, Abkhazie IVe-XIVe siècles (Bibliothèque de l’Antiquité Tardive 9, Turnhout 2006).

15. Khrushkova, L, «The Spread of Christianity in the Eastern Black Sea Littoral (Written and Archaeological Sources)», Ancient West and East 6 (2007), pp. 177-219.

16. Khroushkova, L., «Les influences romaines dans l’architecture paléochrétienne sur le littoral oriental du Pont Euxin», dans Ecclesiae Urbis, Atti des Congresso internazionale di studi sulle chiese di Roma (IV-X secolo), Roma, 4-10 sett. 2000, II (Città del Vaticano 2002), pp. 1307-1339.

17. Khroushkova, L., Les monuments chrétiens de la côte orientale de la mer Noire, Abkhazie IVe-XIVe siècles (Bibliothèque de l’Antiquité Tardive 9, Turnhout 2006), p. 31; Velmans, T., «Une image paléochrétienne rare au baptistère de Pitzunda», dans Actas del VIII Congresso international de arqueologia cristiana, Barcelona 1969 (Città del Vaticano – Barcelona 1972), pp. 598-603.

18. Хрушкова, Л. Г., Цандрипш, Материалы по раннехристианскому строительству в Абхазии (Сухуми 1985); Khrouchkova, L., «La propagation du christianisme dans une région Pontique, la basilique de Candripsh, “temple pour les Abasges”», dans B. Iwaszkiewicz-Wronikowska, D. Prochniak (éds.). Sympozja Kazimierskie poswiecone kulturze swiata poznego antyku i wczesnego chrzescijanstwa, V (Lublin 2005), pp. 405-445.

19. Хрушкова, Л. Г., Василиненко, Д. Э., «Новые археологические данные о христианских памятниках Северо-Восточного Причерноморья» dans В.В. Симонов (ed.), Акутальные проблемы истории Церкви (à paraître).

20. Хрушкова, Л. Г., Скульптура раннесредневековой Абхазии, V-X века (Тбилиси 1980), pp. 9-25; Khroushkova, L., Les monuments chrétiens de la côte orientale de la mer Noire, Abkhazie IVe-XIVe siècles (Bibliothèque de l’Antiquité Tardive 9, Turnhout 2006), pp. 135-144.

21. Khrouchkova, L., “Les monuments paléochrétiens de l’Abkhazie: entre l’Orient et l’Occident”, dans Acta congressus internazionalis archaeologiae cristianae. Wien, Sept. 1999 (Città del Vaticano-Wien 2006), pp. 475-482.

22. Kapanadze, T., « Nokalakevisa da misi “kveknis” sakulto nagebobebi », dans P. Zakaraya, T. Kapanadze, Tsikhegodzhi-Arkheopolisi-Nokalakevi (Tbilisi 1991), pp. 165-260 (en géorgien, avec rés. en russe); Хрушкова, Л. Г., Раннехристианские памятники Восточного Причерноморья, IV-VII века (Москва 2002), pp. 331-353 ; Plontke Lüning, A., Frühchristliche Architektur in Kaukasien (Veröffentlichungen zur Byzanzforschung XIII, Wien 1997), pp. 202, 238-242, 291.

23. Khroushkova, L., Les monuments chrétiens de la côte orientale de la mer Noire, Abkhazie IVe-XIVe siècles (Bibliothèque de l’Antiquité Tardive 9, Turnhout 2006), pp. 145-152; Ead., « Majestas Domini dans les absides des églises de l’Egypte, du Caucase et de Cappadoce », dans E. Kormysheva (éd.), Heritage of Ancient Egypt et Christian Orient 3 (Moscow 2006), pp. 199-216.

24. Khroushkova, L., Les monuments chrétiens de la côte orientale de la mer Noire, Abkhazie IVe-XIVe siècles (Bibliothèque de l’Antiquité Tardive 9, Turnhout 2006), pp. 107-112.

     
 
 
 
 
 

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