1. Chersonèse dans l'Antiquité
La ville antique de Chersonèse, puis byzantine de Cherson (dès le VIe s.) se situe sur la côte sud de la baie de Sébastopol, en Crimée du Sud. Elle a été fondée au Ve s. av. J.-C. en tant que la colonie de Héraclée pontique. À l’époque hellénistique la ville est indépendante et contrôle un large territoire en Crimée occidentale. À la fin du IIe s. av. J.-C., en face de la menace scythe, Chersonèse entre sous la protection du Royaume pontique de Mithridate IV, puis, du Royaume du Bosphore Cimmérien. En 63 ap. J.-C., toujours menacée par les Scythes, la ville reçoit l’aide militaire romaine et désormais fait partie de l’Empire romain. Chersonèse occupe une surface d’à peu près 27 ha et représente une de villes byzantines le mieux étudiées archéologiquement. À l’époque romaine la ville garde formellement son autonomie et frappe sa propre monnaie jusqu’à Dioclétien. Chersonèse est alors la base militaire principale romaine dans cette région. Dans la ville la communauté grecque était toujours dominante. Les nécropoles suburbaines, avec des tombeaux collectifs, couverts des dalles en pierre appartiennent surtout à cette majorité grecque. Les militaires et leurs familles, ainsi que d’autres fonctionnaires de l’Empire formaient une communauté latine. À part les Grecs et les Romains, la communauté juive est également attestée par des sources écrites et épigraphiques. Quelques éléments «barbares» -germaniques et alano-sarmates- se manifestent dans le mobilier funéraire. Le paysage urbain de la ville est typique de l’Empire romain. Le plan des quartiers, très régulier, reste inchangé. Les maisons d’habitation de l’époque romaine sont des bâtiments à plusieurs pièces, à un étage, avec une cour pavée. La ville est toujours bien protégée par des remparts (2,5-3,5 km), les nécropoles se situent extra muros, autour de la ville. Dans les premiers siècles de n.è. on construit un aqueduc de longueur de 7 km, qui fonctionne toujours à l’époque romaine tardive. L’activité économique de la ville est importante. Autour de 60 unités agricoles suburbaines sont attestées pour l’époque romaine. Au début de notre ère la construction de citernes de salaison du poisson et de fabrication du garum, devient très intensive. Sur les lacs salés autour de la ville l’extraction de sel est attestée pour l’époque romaine. Les ateliers de céramique à l’époque romaine sont bien connus à Chersonèse. Leur production était destinée aussi bien pour le marché urbain, que pour les Barbares voisins, surtout à partir du IIe-IIIe s. On connaît des traces, moins spectaculaires, d’autres activités artisanales. La ville exerçait un commerce aussi bien avec les Barbares tauriques qu’avec d’autres provinces pontiques de l’Empire romain. Une quantité d’importations romaines, notamment de céramique et de verre, en grande partie fabriquée à Chersonèse, a été mise au jour dans des nécropoles barbares du Sud-Ouest de Crimée. Quant au commerce maritime, il concerne avant tout les provinces de la côte méridionale de la mer Noire et en général l’Asie Mineure (Pergame, Milet), comme le montrent les importations céramiques à Chersonèse. Certains objets en bronze et des lampes en céramique témoignent du commerce avec la côte Ouest. Ceci est peut être liée à une forte activité militaire de l’Empire sur la frontière danubienne: Chersonèse fournissait les troupes romaines de Mésie. On suppose que pour exercer ce commerce la ville possédait une marine marchande importante.
2. Chersonèse (Cherson) pendant la période byzantine
A partir de la fin du IVe s. Chersonèse fait partie de l’Empire d’Orient. L’hypothèse, selon laquelle Chersonèse a été détruite par les Huns à la fin du IVe s. est actuellement abandonnée. Le rôle de Chersonèse, en tant que base militaire principale de l’Empire en Crimée s’accroît au Ve s. avec l’installation des Huns au Nord de la mer Noire. La ville est toujours le lieu de cantonnement d’une garnison romaine importante. Le lieu était bien gardé, on envoyait ici en exil des personnages indésirables. L’administration civile de la ville est subordonnée au , dont le nom est mentionné dans une inscription des années 370. Chersonèse bénéficie néanmoins du statut de ville libre, ne fut ce que d’une façon théorique. La ville frappe sa monnaie à partir des années 420-430, la ville est gérée par des autorités urbaines autonomes. La communauté chrétienne de la ville, existant à partir du IVe s. et soutenue par l’Etat devient depuis l’époque de Théodose, de plus en plus nombreuse et influente. La communauté juive de Chersonèse est connue a travers les découvertes archéologiques, notamment d’une synagogue. La ville garde une activité économique importante. La présence de nombreuses monnaies est très significative pour l’appréciation de l’ampleur du commerce extérieur. En même temps, la ville frappe des monnaies au nom de Théodose II et de Valentinien III. Cherson à l’époque post-hunnique et sous Justinien reste la base principale de l’Empire au Nord de la mer Noire. Le vicaire, chef de la garnison byzantine, y exerce le pouvoir principal. C’est une ville typiquement romaine/protobyzantine. Elle a toujours son plan régulier hérité de la période hellénistique. Les artères parallèles au cadro maximus semblent toutes avoir été conservées. En revanche, certaines rues perpendiculaires, moins importantes, disparaissent à l’époque protobyzantine, à l’occasion des constructions, notamment d’édifices religieux chrétiens. Un site épiscopal se forme durant le VIe s. Les maisons de l’époque romaine, construites parfois sur les soubassements de bâtiments hellénistiques, fonctionnaient jusqu’au Ve-VIe s. Durant le milieu du Ve - début du VIe s. la ville a un peu agrandi, son territoire resté stable jusqu’au IXe s. La nécropole urbainegarde son aspect gréco-romain. Les remparts ont été renforcés sous Zénon, ainsi que sous Justinien. Les cimetières de la fin du IVe -VIe s. se situent dans les limites de la nécropole de l’époque romaine. Les pratiques funéraires observées et le matériel provenant de la nécropole (notamment les lampes, les récipients en verre et en céramique ou les parures métalliques) permettent de constater que les habitants de la ville étaient fortement hellénisés. La civilisation matérielle de la ville est typiquement protobyzantine. Cela se manifeste dans la céramique, sigillée, commune, de transport ainsi que des lampes et dans le «petit mobilier». En 576 les Turcs ont fait l’irruption en Crimée et Cherson est assiégée. Cela a incite l’Empire renforcer sa présence en Taurique. Un duc est nommé le chef des troupes byzantines au Nord de la mer Noire et sa résidence se situe à Cherson. Le pape Martin est exilé à Cherson en 655, puis c’est le tour de l’empereur Justinien II en 695-704, ce qui prouve la présence ici d’un fort pouvoir impérial, capable contrôler la situation. Cependant le territoire proche du Sud-Ouest de la Crimée est alors sous la domination khazare. Dans la situation de guerre civile en Byzance, Cherson entre en contact avec le royaume khazar et même reçoit le gouverneur khazar. Après les expéditions militaires byzantines et les combats en 711-712 les Khazars ont finalement reconnu le pouvoir de l’Empire byzantin sur Cherson. En 844 le thème militaire des Climats (puis de Cherson) est formé en Crimée du Sud-Ouest, ayant Cherson pour le centre. Durant le VIIe-IXe s. la ville garde son importance économique et politique. Elle frappe la monnaie sous Héraclius, puis au IXe s., les travaux de construction des bâtiments religieux et des fortifications sont attestés par l’archéologie, l’activité économique – la pêche, l’artisanat, le commerce, l’extraction du sel- ne cesse pas. La civilisation matérielle de la ville est typiquement byzantine. Cherson au Xe-XIIIe s. reste sous pouvoir byzantin et représente le centre principal de la présence militaire byzantine dans la région. Parmi les événements politiques il faut noter quelques révoltes de la ville contre le pouvoir de Constantinople, ainsi que la prise de Cherson par le prince russe Vladimir en 988-989. L’essor économique de la ville est attesté par l’archéologie au Xe s. Durant les XIe-XIIIe s. l’importance de Cherson diminue, quoique la ville reste un centre important, avec la population de 3600-4000 personnes. Après la chute de Constantinople en 1204 la ville est subordonnée à l’Empire de Trébizonde. En 1270-1299 environ la ville est détruite par les Tatars et cesse d’exister en tant que ville.
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